« Art Brut » et « bande dessinée », deux expressions que tout semble opposer. D’un côté, des réalisations qui renvoient à la solitude propre à l’Art Brut, qui ne se soucie pas de plaire aux goûts supposés du public et, de l’autre, une forme de création que l’on associe souvent à ses héroïnes et ses héros les plus populaires, icônes d’une culture de masse déclinées sur de multiples supports.

Pourtant, de nombreuses créatrices et créateurs d’Art Brut se sont emparés de l’imagerie et des codes de la bande dessinée, les ont remodelés librement pour les intégrer à leurs imaginaires. Les liens entre ces deux domaines d’expression sont en réalité riches et multiples ; tous deux partagent bien des traits communs qui les invitent à dialoguer. Alors que l’art du XX^e siècle s’est largement émancipé du narratif, au profit de recherches formelles ou de démarches conceptuelles, d’innombrables œuvres d’Art Brut montrent avec éloquence que les images conservent toute leur capacité à produire des récits. D’autre part, bande dessinée et Art Brut ont aussi la particularité de convoquer une hétérogénéité de signes et de codes – textes, images, cadres, onomatopées, bulles ou pictogrammes ; l’une comme l’autre brise la frontière instituée entre le visible et le lisible.

L’auteur, éditeur et critique Jean-Christophe Menu affirme qu’à côté des productions issues des réseaux de diffusion traditionnels, publiées en livres ou en revues, il existe un « hors-champ de la bande dessinée ». Réunissant des œuvres de la Collection de l’Art Brut et de diverses institutions et collections privées, cette exposition est une plongée dans cet « autre de la bande dessinée ».